Le monde des pure players médiatiques, ces nouveaux sites exclusivement réservés au web, va accueillir un nouveau né qui a de quoi faire peur à la concurrence : LesJours, ou la revanche des anciens journalistes de la presse écrite.
Il y a une vie après Libération. Si les journalistes du quotidien peuvent faire preuve d’un corporatisme manifeste — et ils l’ont encore prouvé dans la transformation progressive du journal vers un média multicanal — certains ont décidé de passer à autre chose, surement non sans mal. Au second semestre 2015, c’est donc LesJours.fr qui viendra grossir les rangs des pure players d’information. Les objectifs sont clairement établis : 25 000 abonnés d’ici trois ans grâce à une vingtaine de journalistes, cinq pigistes et cinq employés dédiés au support, accompagné d’un budget de fonctionnement de 2,5 millions d’euros. Une opération de crowdfunding serait également en préparation. Présent uniquement en ligne donc, il ne vise cependant pas uniquement le but classique du online où la vitesse est la priorité. Bien au contraire même.
« On veut lutter contre cette infobésité »
Pour la journaliste Isabelle Roberts, il faut « échapper à la temporalité de l’actualité ». En voilà une bonne nouvelle ! Et si l’on pouvait espérer un média web qui ne ferait pas que pusher les brèves des agences de presse pour faire du contenu ? Le pied ! « Notre constat est partagé par tous : on est noyé sous les infos, on a du mal à se repérer en tant que lecteurs, il faut creuser au coeur de l’actu. » Alors oui, enfin ! Enfin un site qui briserait les barrières créées par les sites eux-mêmes, privilégiant justement une temporalité presque nulle pour relayer à la pelle des brèves aseptisées, nécessaires certes, mais conservées dans un état quasi identique. Les journalistes le résume très bien : « on veut lutter contre cette infobésité, cette actu sans mémoire. Donner du sens, du temps, de l’espace à des sujets qui nous semblent importants. » Les aficionados de Libération ne seront pas non plus dépaysés puisque l’équipe promet « une narration inédite, graphique et photographique. »
Il ne s’agit tout de même pas de généraliser ni de proclamer LesJours comme sauveur du journalisme online. D’autres, bien avant eux comme Mediapart ou Vice par exemple, ont su maintenir leur ligne éditoriale sans tomber dans la facilité offerte par internet. C’est donc cette poignée d’ex de Libé ou d’ailleurs qui va tenter d’offrir quelque chose de différent, de nouveau, d’un peu plus profond. En promettant des articles proches du feuilleton, ils ont le mérite d’essayer à l’heure du « moment clé du journalisme sur internet ». Raconter « l’actualité en obsessions », voilà un peu leur leitmotiv. Et pas question d’avoir abandonné une hiérarchie pour en trouver une autre : « ici, c’est kibboutz, il n’y a pas de chefs » précisaient les créateurs à Télérama. Concernant les abonnements, car oui le contenu ne sera accessible qu’aux abonnés, les tarifs restent en discussion. « 8 euros, 10 euros par mois ? Trop tôt pour le dire. » Payer pour de la qualité peut paraître révoltant, mais selon eux « les gens commencent à comprendre. Ils sont mûrs d’accueillir une deuxième génération de pure players. »