Society : « quinzomadaire en liberté »

En kiosques depuis le 6 mars, Society, le dernier né du groupe So press a fait une arrivée remarquée dans le paysage des magazines d’actualité, qu’il entend bien « dépoussiérer ».

100 000, c’est le nombre d’exemplaires vendus en moins d’un mois pour le premier numéro de Society. Un succès à la hauteur des attendes de son créateur. Passé l’effet de surprise, Frank Annese, l’éditeur du magazine, table sur 60 000 ventes en kiosque — soit plus que l’Express ou l’Obs qui en sont respectivement à 56 000 et 47 000 selon l’OJD. Society comptait déjà 3 500 abonnés, grâce à la campagne menée sur le site de financement participatif Kisskissbankbank. Porté par ces chiffres encourageants, Society espère atteindre 10 000 abonnés dès l’an prochain. Le magazine de 116 pages paraît un vendredi sur vendu, et est vendu 3,90 €, soit au même pris que l’Obs mais moins cher que l’Express, ses deux principaux concurrents.

Premier numéro de Society
Premier numéro de Society

Lectorat ciblé et contenu chiadé

Trois mois et six numéros plus tard, le quinzomadaire qui se dit « en liberté » a fait parler de lui et son succès est indéniable. Tout cela est le résultat d’un projet bien ciblé et de contenus de choix.

« Les news magazines actuels sont destinés à mes parents. Avec Society, nous visons les 25-45 ans CSP + » déclarait Frank Annese au Figaro, et c’est là un élément essentiel de la réussite du magazine, une cible de lecteur bien déterminée. Society à su s’engouffrer dans une brèche encore peu exploitée. Ajoutez à cela un design à la mode et un ton qui se veut « cool », et la sauce a pris. « Le lecteur, c’est le nerf de la guerre. C’est lui, le véritable VRP : s’il a aimé le magazine, il le rachètera et en parlera autour de lui », insiste Frank Annese. Un bouche à oreille qui a déjà réussi à So Foot et So Film, d’autres titres du groupe.

Nous faisons les magazines que nous aimerions lire.

L’autre atout du quinzomadaire c’est son contenu. Quel magazine peut se targuer d’avoir en couverture de son deuxième numéro le président de la République ? Entre confidences personnelles et projets, François Hollande a ainsi accordé un entretien fleuve à Society, un moyen pour lui de corriger son image et un bon coup de pub pour le magazine. Au delà des personnalités que l’on peu retrouver au fil des numéros, Society essaye de sortir des sentiers battus et d’offrir des articles de fond originaux et sur du long format (plusieurs pages pour chaque sujet). Entre reportages, entretiens et portraits, le magazine multiplie les rubriques, au risque parfois de perdre un peu le lecteur avec un rubriquage difficile à comprendre.

«Nous faisons les magazines que nous aimerions lire» expliquait Frank Annese au Figaro, aucun doute que le groupe So Press a une fois de plus réussi à transmettre sa passion aux lecteurs. Cependant, il est encore trop tôt pour savoir si le succès perdurera.

« Noirauds » de Bruxelles : la « sottise » de François Beaudonnet qui « a fait frôler l’incident diplomatique »

Le correspondant permanent de France 2 à Bruxelles, François Beaudonnet, était loin d’imaginer les réactions qu’allait susciter la diffusion de son reportage sur le « défilé des Noirauds ». Pour la première fois cette année, le Ministre belge des affaires étrangères s’est pris au jeu et s’est déguisé en « Roi nègre », ce que France 2 n’a pas manqué de relever. Alors que le Ministre se réjouit de faire partie d’un groupement alliant folklore et philanthropie, le journaliste parle de « racisme » et de « néocolonialisme » : on a frôlé l’incident diplomatique. Continuer la lecture de « Noirauds » de Bruxelles : la « sottise » de François Beaudonnet qui « a fait frôler l’incident diplomatique »

Belgique : un bel Avenir à la télévision ?

Dès début juillet, le quotidien wallon L’Avenir sera transféré sur les écrans de télévision, grâce à un décodeur intitulé « Évasion ». Simple transfert supplémentaire ou opération de numérisation extrême ? Décryptage d’une énième opportunité technologique.

lavenir capture ecran

Voici un pas de plus de franchi vers l’ère du « tout numérique ». Avec l’arrivée en Belgique du nouveau décodeur VOO annoncé pour le 1er juillet, les journaux des neuf éditions de l’Avenir seront lisibles sur les écrans de télévision. Un projet innovant qui consistera à mettre à disposition des lecteurs un système d’applications supplémentaires, entre information et services. Dans ce cadre, le quotidien régional L’Avenir a imaginé une application « axée sur le contenu ». Objectif : suivre en direct, via un sommaire, l’actualité régionale, nationale mais aussi sportive ou internationale.

Journaliste vidéaste

Autre caractéristique propre à cette innovation : la publication de nombreuses vidéos conçues par l’équipe de rédaction. Un aspect qui témoigne, une fois de plus, de la polyvalence toujours plus appuyée chez les journalistes de presse écrite, qui, passant d’un support à un autre, doivent désormais pouvoir multiplier les vecteurs d’information numériques. Le journaliste ne fait plus qu’écrire : il photographie, il filme, il tweete et met en ligne. Le journaliste devient vidéaste. Continuer la lecture de Belgique : un bel Avenir à la télévision ?

Contourner la censure, un jeu d’enfant pour les internautes turcs

Twitter Turquie

Les internautes turcs y sont désormais habitués : comme souvent, le lundi 6 avril, les autorités du pays ont bloqué Youtube, Twitter et Facebook. En cause, la diffusion d’une photographie présentant le procureur tué Mehmet Selim Kiraz, avec un pistolet sur la tempe.

L’image du procureur assassiné prise lors de la prise d’otage du 31 mars au Palais de Justice d’Istanbul, avait de quoi faire polémique. D’abord pour des raisons d’éthique journalistique, l’image ayant été publiée dans plusieurs médias turcs. Ensuite, parce qu’elle plaçait aussi le gouvernement dans une position délicate. Des médias d’opposition au régime islamo-conservateur ayant critiqué via cette photo les failles sécuritaires du pouvoir en place. D’autres quant à eux l’ont utilisé en insistant sur les points qui selon eux, restaient à éclaircir dans cette affaire. Pour rappel, les auteurs de cette attaque attribuée au DHKP-C, un groupe d’extrême gauche turc, demandaient des explications sur la mort de Berkin Elvan. Le garçon de 15 ans est décédé le 11 mars 2014 après un an de coma des suites de ses blessures provoquées par une grenade lacrymogène lancée par la police lors des émeutes de Gezi en mai 2013. Le procureur était en charge de cette affaire.

La photographie du procureur avait alors très vite circulée sur les réseaux sociaux quelques jours après son assassinat, avant que le Premier ministre turc ordonne temporairement le blocage de ces sites. Pendant quelques heures, les internautes ont donc été dans l’impossibilité d’accéder aux réseaux sociaux, avant que les autorités ne décident de lever l’interdiction après le retrait des photographies. Dans la soirée, le parquet d’Istanbul a ouvert une enquête contre les quotidiens Hürriyet, Cumhuriyet, Posta et Bugün. Les quotidiens sont soupçonnés de « propagande de terrorisme » pour avoir publié l’image sur laquelle apparaît le sigle du DHKP-C, l’organisation classée terroriste en Turquie.

De manière générale, les médias turcs sont souvent soumis à des interdictions de couverture. En janvier dernier, après l’attaque survenue dans les locaux du journal satirique Charlie Hebdo, près de 166 liens d’articles en lien avec la Une du 14 janvier, avaient été retirés des réseaux sociaux. La page Wikipédia du prophète Mahomet avait aussi été censurée, d’après une source proche du dossier.

Les internautes, nouveaux témoins de l’information

Malgré la censure opérée lundi 6 avril, près de trois millions de tweets ont quand même été postés, précisait sur son site le quotidien de référence turc Hürriyet. Dès l’annonce du blocage, toutes les combines circulaient pour continuer d’accéder aux sites bloqués sur la toile. De l’utilisation d’un réseau VPN, à celle du navigateur Tor, les internautes ont usé de toutes les techniques pour accéder aux sites censurés au moment du blocage. Pour ces utilisateurs, contourner la censure devient un jeu d’enfant.  À l’aide de ces outils, certains d’entre eux se chargent parfois de couvrir en direct l’information via leur compte Twitter à défaut de ne pas être informé lorsque certains événements graves se produisent.

Des événements graves à l’exemple de la prise d’otage du Palais de justice d’Istanbul. Les chaînes d’information en continu n’avaient alors pas pu assurer la couverture de l’événement après une décision de l’organisme de contrôle d’audiovisuel d’interdire la retranscription d’images en lien avec la prise d’otage.

En parallèle sur Twitter, l’information a été relayée pendant plusieurs heures, les citoyens devenant ainsi témoins de l’information. Une couverture médiatique parallèle s’est peu à peu mise en place sur la toile. « On ne pouvait pas s’attendre à ce que les journalistes puissent assister aux échanges de tirs en direct au Palais de justice, c’est tout à fait normal. Ce qui ne l’est pas, c’est que les médias turcs n’ont pas eu la possibilité de couvrir l’événement » précise Erol Önderoglü, représentant du bureau de Reporters Sans Frontières en Turquie.

Le journaliste a également observé que très vite, l’information s’est  développée sur les réseaux sociaux, qu’il décrit comme « un terrain assez vaste ». Un terrain sur lequel les journalistes des médias turcs essayaient tant bien que mal « d’observer et d’informer dans la mesure du possible» au moment des faits.
Même si rapidement, beaucoup de rumeurs ont fait le tour de la toile, « des informations non vérifiées ni confirmées se sont inscrits dans cette couverture médiatique » déplore-t-il. « D’abord on a entendu dire que le procureur n’était pas atteint, qu’il avait juste perdu connaissance, ensuite qu’il était légèrement blessé, puis qu’il avait pris trois balles dans la tête. Peu de temps après, il a été annoncé qu’il avait perdu la vie ».

En mesurant l’impact de cette interdiction,  le représentant de RSF s’est vite rendu compte que les chaînes d’informations avaient été les plus touchés par la censure. « Quelques heures après avoir éteins la télévision, j’ai eu accès à l’information sur Twitter, via mes mails. Il m’était inutile de regarder les chaînes d’information en continue. La prise d’otage était annoncé, mais les médias précisaient qu’ils étaient dans l’impossibilité d’en dire plus ».

« En Turquie, chaque affaire sensible fait désormais l’objet d’une interdiction de publier », observe Johann Bihr, responsable du bureau Europe de l’Est et Asie centrale de Reporters sans frontières. « La banalisation de cette censure pure et simple est d’autant plus inquiétante que l’exécutif en assume de plus en plus la responsabilité. Il foule aux pieds le droit de la population d’être informée sur un sujet d’intérêt général » précise-t-il sur le site de Reporters Sans Frontières.

Les émeutes de Gezi en mai 2013

L’année dernière, lors des émeutes qui ont eu lieu au parc de Gezi en mai 2013, la couverture des événements rendue difficile a été principalement assurée sur Twitter. Les correspondants étrangers ayant subi pour la première fois le même sort que des journalistes turcs. Au total près de 150 correspondants étrangers ont été atteints par des violences policières, blessés par des capsules de gaz en caoutchouc, ou des grenades lacrymogène, lors de la couverture des manifestations à Istanbul. « Les journalistes étrangers étaient présentés comme des espions qui contribuaient à une conspiration en provenance de l’étranger menaçant le régime turc » précise Erol Önderoglü, représentant d’RSF. Dans le même temps sur Twitter s’est aussi établie une couverture de l’information.

« Twitter était le seul moyen de communication susceptible de nous sauver la vie en nous fournissant une foule d’information offrant un avantage substantiel sur le terrain de la lutte politique » écrivait en janvier 2014 Deniz Yenihayat dans le journal T24 d’Istanbul. « Lors des événements du parc Gezi se sont mises en place une solidarité et une mobilisation via les réseaux sociaux. Ainsi lorsqu’un jeune s’est fait tabasser par un agent de sécurité dans le métro d’Istanbul, des milliers de personnes se sont immédiatement mobilisées via les réseaux sociaux et ont organisé des rassemblements pour lutter contre cette injustice (…) Aujourd’hui, grâce à ces banlieues virtuelles que sont les réseaux sociaux, le peuple occupe désormais une place prépondérante dans le débat d’idées » soulignait-il dans son article intitulé « Au moins sur Twitter, on se marre ! ». Une déclaration assez révélatrice d’un mouvement populaire de plus en plus jeune dont la soif de liberté les pousse à s’organiser sur les réseaux sociaux, en parallèle d’une vague de réformes liberticides qui se concrétisent sous la forme de la censure en Turquie.

La Turquie était en 2014  classée deuxième derrière les États-Unis en ce qui concerne l’usage des réseaux sociaux, selon le quotidien d’information Türkiye. Quand il s’agit de Twitter, elle arrive en tête avec 31.10 % d’internautes abonnés au réseau, juste devant le Japon (28 %).

En Belgique, les mooks se développent aussi

Pour son quatrième numéro, le premier mook belge 24h01 revisite sa formule et réadapte sa maquette. L’occasion de faire le point sur ce nouveau format, en pleine expansion en Belgique.

À la croisée du livre et du magazine, le mook est d’abord apparu en France avec la Revue XXI. Depuis sa création en 2008, l’offre s’est étoffée sur le marché francophone mais les nouveaux modèles apparus doivent encore faire leur preuve. Trimestriel ou semestriel, épais d’environ cinquante pages, original dans ses sujets et riche dans son design et ses illustrations, le mook séduit un lectorat très large et encore peu défini, pour un prix avoisinant les 15 euros. Autre avantage incontestable : l’absence totale de publicité. Le budget du mook repose principalement sur les abonnements.

En Belgique, c’est 24h01 qui paraît pour la première fois fin 2013. Dès sa sortie, il est vendu à 3 800 exemplaires. Son quatrième tome, tout juste sorti dans les librairies, est le résultat de plusieurs leçons tirées par les principaux éditeurs. La mise en page a connu certaines modifications et, à l’occasion de son quatrième volet, le premier mook belge a développé son site Internet. « Il y a eu un engouement pour le lancement et beaucoup d’attentes alors que les fonds étaient plutôt maigres et le produit expérimental, explique Quentin Jardin, nouveau rédacteur en chef. Les lecteurs ont été déçus. Pour le numéro 2, nous n’avons vendu que 2 500 exemplaires. Le troisième a changé de mise en page et on est remontés. Dans ce nouveau numéro, il y a une forte évolution : on va plus loin dans la nouveauté, la mise en page, le site internet… On espère atteindre les 4 000 exemplaires. »

L’objectif reste assez faible, en comparaison aux 50 000 exemplaires de Revue XXI, son homologue français, vendus après sept ans de publication. Mais se cantonner à cette comparaison relève davantage de l’absurde, le marché français n’ayant bien sûr rien à voir avec le nombre de lecteurs potentiels de la Belgique francophone.

Réintégrer la tradition des belles revues

Après 24h01, c’est au tour de Karoo, plutôt axé sur l’actualité culturelle, de se développer. Deux numéros ont été publiés. Selon Laurent Corbeel, son directeur de publication, « le mook n’est qu’une vitrine de notre plateforme en ligne. Karoo s’inscrit dans la tradition des revues. Mook est un mot-valise pratique pour communiquer mais c’est tout. On réintègre la tradition des belles revues ».

Une volonté qui se traduit aussi par la sortie de Médor, troisième magazine du genre. Fruit de trois ans de réflexions et d’idées, Médor regroupe une équipe de 17 journalistes, photographes et illustrateurs. Son premier numéro devrait sortir en septembre 2015. Précis dans son slogan, il affirme être « le trimestriel coopératif belge d’enquêtes et de récits ».

À en croire ce bourgeonnement de mooks chez les Belges, le lectorat serait friand de long format et d’illustrations soignées. Mais la situation reste très fragile et rien n’est assuré. Médor et Karoo dansent encore sur un fil. Une des principales difficultés résiderait aussi dans le fait que Revue XXI ferait de l’ombre à ses concurrents belges, même en Belgique. Selon Marie Vanoost, spécialiste du journalisme narratif actuellement en doctorat à l’Université Catholique de Louvain, « En Belgique, les mooks sont dans une situation difficile car comme il existe déjà XXI pour les sujets étrangers, ils sont obligés d’apporter leurs particularités régionales ».

Alors, trop de mooks belges nuit-il au mook belge ? Pas forcément. Si 24h01, Médor et Karoo parviennent chacun à définir une ligne éditoriale unique et précise, ils pourront rester sur le marché. Olivier Hauglustaine, direction de publication de 24h01, semble d’ailleurs assez serein : « Il y a bien une place pour 24h01 en Belgique malgré la perméabilité, aussi, du marché belge au marché français ».