Facebook face aux médias : ami ou ennemi ?

Faut-il laisser entrer le loup dans la bergerie ? Tantôt super méchant tantôt super héros, Facebook est-il un sauveur ou un tueur de médias ? C’est la question que beaucoup se posent, notamment depuis que le New York Times a publié, le 23 mars dernier, un article dans lequel il annonce que le célèbre site avait « discrètement mené des discussions avec au moins une demi-douzaine de compagnies de médias autour de l’idée d’héberger leur contenu dans Facebook plutôt que d’obliger les utilisateurs à cliquer sur un lien qui les mène à un site extérieur ».

Avec ses 1,4 milliard d’utilisateurs, Facebook est devenu une source vitale de trafic pour les éditeurs. Oui mais voilà, le réseau social s’est rendu compte que ses utilisateurs, et notamment ceux qui utilisent l’application mobile, étaient frustrés par la lecture des informations. La faute au clic sur les liens de sites de médias qui s’ouvrent dans une autre page et qui sont bien souvent truffées de publicités et donc longues à charger. A tout problème sa solution, Facebook veut tout simplement héberger certains sites d’informations.

À première vue les médias s’insurgent et crient au Loup. Felix Salmon, contributeur de Slate, avertit que « les sites d’actualité risquent de sacrifier leur marque – et, au passage, leur goût de l’exactitude et du parti-pris éditorial – en octroyant à Facebook le contrôle de leur distribution ». Beaucoup ressortent un article, prémonitoire, de l’américain David Carr publié il y a un an toujours dans le New York Times, qui estimait que céder aux sirènes du site ferait des médias des « serfs dans un royaume que contrôlerait Facebook ».

« Le problème avec Facebook, c’est que c’est le loup dans la bergerie. Une fois que vous rentrez dans son système, il ne vous partage rien, donc il vous dévore. Nous l’avons vu avec la vidéo. A la différence de YouTube, qui s’intéresse à vos contenus, les référence et qui peut les préfinancer, ou à la différence de Google, qui accepte de partager les revenus publicitaires avec AdSense, Facebook vous prend vos contenus et ne vous donne rien. »

Marie-Laure Sauty de Chalon, présidente d’Au Féminin dans le Figaro

Pourtant est-il bien raisonnable de lutter contre Facebook et son influence ? Will Oremus, expliquait pour Slate, que « collectivement, les médias seraient fous de remettre leur sort entre les mains de Facebook. Individuellement, ils seraient fous de ne pas le faire ». Or il est bien évident aujourd’hui que les entreprises de presse sont toutes en concurrence pour les mêmes publics et les mêmes annonceurs. S’associer avec Facebook, c’est la garantie d’une augmentation rapide des audiences. Pour preuve l’étude de cas publié le 23 mars dernier par Facebook et le magazine Vox, qui montre comment le site a rapidement eu des gains de fréquentation grâce à son association avec le réseau social.

Au vu des résultats, l’offre de Facebook est alléchante. Il est difficile de ne pas céder à la tentation même si c’est une solution à court terme. D’autant plus que ce sont des médias de renoms qui s’engouffrent dans la brèche les premiers : Le New York Times, Buzzfeed ou le National Geographic feront parti des partenaires du projet qui doit débuter dans les prochains mois.

Facebook roi de l’info ? Bientôt.

image : pixabay.com
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1,4 milliard d’utilisateurs et le géant bleu américain en veut plus. C’est aux sites d’information que Facebook compte arracher quelques lecteurs en hébergeant lui-même des articles de presse. Des négociations sont actuellement en cours avec une demi-douzaine de sites d’information américains. Plus de liens externes sur lesquels cliquer donc, mais une lecture des articles possible directement depuis son fil d’actualité Facebook. La raison évoquée ? Un gain de temps non négligeable pour les lecteurs qui n’auront plus à attendre le chargement et la redirection vers un autre site, celle-ci pouvant prendre jusqu’à 8 secondes. Des raisons commerciales aussi ? On s’en doute. Mais pourquoi les sites d’informations accepteraient-ils ce partenariat et quels seraient les avantages pour Facebook ?

Prenant part aux négociations, c’est le New York Times qui révèle cette information, avec les noms de confrères tels que The Guardian, Buzzfeed ou National Geographic qui eux aussi considèrent sérieusement la proposition de Facebook. Le principe serait simple : ces médias fourniraient certains articles a Facebook qui les hébergerait lui-même. Mais alors, quel intérêt pour les sites d’information « traditionnels » ? Des avantages assez subtils puisque la conséquence première de ce « pacte » serait une baisse de la fréquentation sur leurs sites. Toutefois, la stratégie des médias en question serait de choisir minutieusement les articles à paraître directement sur Facebook pour cibler un public qui ne les suit pas habituellement. Ils pourraient alors espérer, à terme, attirer ces lecteurs directement sur leur propre portail.

Cela représente donc visiblement un intérêt rentable à long terme. Cependant ce dernier semble assez minime comparé aux profits que tirerait Facebook de cette association.  Les lecteurs ayant accès à la totalité de l’article sans passer par un autre site, Facebook les garde plus longtemps sur le sien. Conséquence ? L’affichage d’un nombre plus important de publicités ciblées pour les consommateurs. Il faut rappeler que la publicité est le revenu principal de l’entreprise de Mark Zuckerberg avec plus de 10,9 milliards de dollars de chiffre d’affaire publicitaire estimé pour l’année 2015.

C’est aussi Facebook qui récupèrerait les données relatives aux lecteurs permettant de mieux cibler le contenu publicitaire (habitudes en ligne, fréquence de visite, âge, identité…). Or Facebook serait-il prêt à partager ces informations précieuses avec The Guardian ou The New York Times ? Pas sûr car aucune communication n’a été faite à ce sujet pour l’instant. Enfin, l’éventualité que les lecteurs prennent goût à cette absence d’attente n’est pas à écarter. Et si à terme, les internautes évitaient les sites des médias « traditionnels » trouvant le temps de redirection trop long ? Lorsque l’on considère ces risques, on peut penser que Facebook a tout à y gagner. D’ailleurs certains médias tels que le Huffington Post ou Quartz ont tout de suite refusé l’offre.

Pour l’instant cette nouveauté ne concerne pas les médias français. La version expérimentale devrait voir le jour exclusivement aux États-Unis dans les prochains mois.

La guerre des clones de BuzzFeed

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Capture d’écran – Site Buzzfeed

« Les chats les plus mignons du web», « trente-deux vrais sosies de célébrités », on a tous déjà été interpellés par les titres « accrocheurs » des listes vite lues-vite oubliés du site Buzzfeed. Souvent critiqué depuis son lancement en 2006, sa rentabilité, qui frise l’insolence au regard de l’état actuel de la presse, fait des envieux (qui ne voudrais pas de 150 millions de visiteurs uniques par mois et d’un chiffre d’affaires estimé à 120 millions de dollars ?).

 Dans le fameux rapport Innovation du New York Times, ce ne sont ni le Washington Post ou le Guardian, ni même Twitter qui sont le plus cités en exemple, mais Buzzfeed, roi incontesté de la course aux clics. Conséquence: l’apparition sur la toile d’une vague de sites d’informations, copies plus ou moins conformes du leader. Le phénomène a atteint la Suède, où les deux plus grands tabloïds ont lancé leur version en ligne il y a quelques mois.

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Du qualitatif au quantitatif : entre logique éditoriale et dictature du clic

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Capture d’écran de la page d’accueil du site Google Analytics

A l’heure de la convergence médiatique, un certain nombre d’organes de presse, comme le très prestigieux New York Times, ont indubitablement du mal à négocier le virage du numérique. Particulièrement réputé pour la qualité de ses productions éditoriales, le célèbre quotidien new yorkais n’a, pour l’heure, pas encore trouvé son modèle économique sur le web. Chartbeat, XiTi, Google Analytics : les exigences du web journalisme semblent désormais bien loin de l’unique logique éditoriale. Qu’en est-il de la qualité journalistique sous la nouvelle dictature du clic ?

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