« Un article s’il vous plait ! »

Fini la traditionnelle lecture du journal papier ; ça, on était tous au courant ! Mais même si l’information passe aujourd’hui par le numérique cela restait pour de l’info gratuite ou de l’info payante dans un format similaire au papier ; c’est-à-dire un journal entier. Les pratiques de consommation de l’information évoluant, une nouvelle formule s’offre à nous : acheter un article à l’unité !

Le principe existe aux Pays-Bas depuis avril 2014 grâce à la start-up Blendle. Surnommée « l’iTunes de l’info », elle a déjà attiré 135 000 abonnés en huit mois, et ce sans aucune campagne marketing. Les plus jeunes sont conquis : 60 % des abonnés ont entre 20 et 35 ans. Un public auquel Blendle doit s’adapter, en proposant par exemple de rembourser le lecteur qui ne serait pas satisfait par un article. Qui aurait osé imaginer un jour que l’on puisse se faire rembourser pour la mauvaise qualité d’un papier ?

Grâce à ce lancement en trombe, Blendle vient de convaincre deux alliés de choix : le New York Times et la maison d’édition Alex Springer, qui lui ont versé 3,8 millions d’euros. Les deux (jeunes) journalistes fondateurs du site espèrent s’implanter dans d’autres pays grâce à ces fonds. Et c’est notamment vers la France qu’ils se tournent.

Deux concurrents sur un marché encore inexistant

Le marché de la presse française ne proposait jusqu’alors aucune initiative de ce type. À partir du 15 janvier prochain, il en sera autrement. Jol Store, nouveau bébé du groupe de presse Jol Press se lance partant du même principe que Blendle. Ici, ce sont les journalistes et journaux qui s’inscrivent pour vendre leurs articles à l’unité. Jol Store propose également une sélection de vidéo et de photos. Ce site fait suite à la création en juillet dernier de Jol Social, premier réseau social réservé aux journalistes. Il réunit aujourd’hui 2 400 journalistes basés dans 135 pays. Tous les journalistes inscrits sur le site peuvent vendre leurs productions sur le Jol Store à l’unité.

Reste que Jol Press est en délicatesse depuis plusieurs mois ; de nombreux licenciements ont eu lieu, et certains salaires restent encore impayés… Jol Store semble donc la solution de relance pour le groupe… à condition de convaincre le public et d’autant plus les éditeurs.

Et cela ne va pas être simple. Les éditeurs fixent les prix des articles, sur lequel le site prend une commission (fixée à 30 % pour Blendle). Mais la vente unitaire complique la répartition des bénéfices. Le traditionnel principe de financements croisés ne fonctionne plus : dans un journal, « les résultats sportifs financent l’envoyé spécial en Afghanistan » explique le directeur du numérique aux Échos. Ici ce n’est plus possible. Autre problème selon les éditeurs : il sera beaucoup moins facile de convaincre les publicitaires d’acheter des espaces sur un seul article que dans un journal entier. Or la publicité est aujourd’hui une grande source de revenus pour les médias.

C’est donc une réelle prise de risque pour les deux sites d’information qui se lancent sur le marché français. Mais aucune innovation ne se fait sans prise de risque, et l’exemple du marché musical, fonctionnant désormais énormément sur la vente à l’unité, est encourageant.

Si le data journalisme vous était donné(es)

Un concours pour les étudiants en journalisme et communication d’Aix-Marseille-Provence, basé sur la technique du journalisme de données. Voilà l’ambition de  Gomet’, un nouveau pure-player marseillais qui organise le premier Grand prix de data journalisme. L’occasion de faire le point sur ce journalisme 2.0 qui n’est pas seulement un  phénomène sudiste, mais qui représente peut-être le journalisme de demain, celui qui s’adapte à la mutation du métier de l’information.

Le data journalisme, c’est quoi ?

data journalisme

Le data journalisme, ou journalisme de données, vise un renouvellement du journalisme. Favorisé par la mise à disposition des données des institutions et gouvernements depuis le début des années 2000 (open data), il explore de nouvelles pratiques en matière de production de l’information.

Estelle Prusker-Deneuville, enseignante-chercheuse en datajournalisme et responsable de l’enseignement médias à SciencesCom – Audencia Group à Nantes donne sa définition :

Si le mot est récent, la pratique ne l’est pas : pour le journaliste du Guardian Simon Rogers, la carte du choléra proposée par John Snow en 1854 est un premier exemple de journalisme de données. La carte montre la concentration de choléra autour des pompes à eau et a permis de comprendre l’origine de l’épidémie.

choléra

De fait, c’est d’abord en tant que métier que le data journalisme innove.

Quels changements pour les data journalistes ?

Simon Rogers, responsable du journalisme des données au Guardian, fait une différence entre le journalisme de données et l’infographie. Pour lui, l’infographie consiste uniquement à présenter des chiffres, alors que le journalisme de données vise aussi à les analyser et les expliquer.

Exemple probant avec le scandale des notes de frais en Grande-Bretagne en 2009, lorsque The Telegraph s’est servi d’un logiciel pour analyser des centaines de milliers de notes de frais des députés britanniques. Le data journalisme peut permettre de raconter une histoire complexe par l’intermédiaire de graphiques clairs.

Si tous les journalistes collectent des sources, les journalistes de données les exposent plus volontiers. Leur production dépasse aussi le cadre d’un simple article, et se prête plus facilement à la réutilisation de certains contenus au fil du temps.

« Les données peuvent être la source du datajournalisme, elles peuvent être l’outil qui permet de raconter l’histoire – ou elles peuvent être les deux. » Paul Bradshaw, Birmingham City University.

Un changement de production de l’information pour le journaliste donc, mais également un changement de la manière de la recevoir pour le lecteur.

Rue89 clôt son second MOOC

A la fin du mois d’octobre se terminait le cours en ligne (ou MOOC) de rue89, portant sur le datajournalisme. Le dispositif avait été mis en place en partenariat avec GEN et First Business Mooc, deux éditeurs de Moocs. L’objectif était d’apprendre à l’internaute les problématiques, les techniques et les enjeux du journalisme de données. Le cours, d’une durée de quatre semaines, abordait donc les questions pratiques et techniques du sujet. Mais quelles sont finalement les leçons à en tirer ?

« Le datajournalisme, c’est d’abord raconter une histoire »

Voilà une phrase qu’un journaliste web devrait peut-être garder en tête. Le MOOC explique que le datajournalisme n’a pas uniquement pour but de proposer une pléiade de chiffres au lecteur. Malgré l’apparence souvent austère d’un graphique, il faut être capable de le rendre intéressant, attractif. Il est donc important d’approcher les données de façon journalistique et non scientifique. En clair, il faut faire parler les données.

« Sur internet, vous êtes en concurrence avec Facebook et candycrush »

Raconter des histoires d’accord, mais vite alors ! Au détour d’un cours sur la mise en forme d’un graphique, l’intervenant lance cette remarque plutôt surprenante. Une affirmation à rejeter en bloc ? Pas forcément. Celle-ci se justifie par le fait qu’en France, le mobinaute passe en moyenne une heure par jour sur son téléphone. Il suffit de scruter régulièrement les smartphones de ses voisins de métro pour constater que Candycrush a la cote. Quand à Facebook, la popularité du premier réseau social mondial n’est plus à démontrer. Cependant, l’idée est à relativiser. S’il est facile est pratique de lire un article sur son smartphone, afficher un graphique sur un tout petit écran n’est pas toujours faisable. Exemple avec cette illustration publiée dans Le Monde, où les intitulés empiètent sur le diagramme.

diagramme sur Android

On peut donc supposer que le datajournalisme est plus simple à lire sur un ordinateur. Difficile alors d’imaginer que des articles d’actualité s’adressent à des internautes qui passent leur temps sur Facebook et sur la version navigateur de Candy Crush…

“On peut créer des articles type qui seront publiés automatiquement”

En mars 2014, le Los Angeles Times publie un article automatique au sujet d’un ouragan. Les journalistes ont simplement rédigé le « tronc » de l’article, laissant à l’ordinateur le soin de remplir les blancs avec les données : force de l’ouragan, nombre de victimes, date… L’intervenant est très positif et même enthousiaste à propos de cette technique. Mais voilà : une fois que ce « tronc » a été rédigé, à quoi le journaliste sert-il ?  On peut imaginer une salle de rédaction uniquement composée d’ordinateurs, publiant très rapidement des articles tous identiques. Comment feraient-ils alors pour « raconter des histoires » ? Il est étrange que ce MOOC présente cette technique avec enthousiasme. Sans compter qu’il a été rédigé en partie par des journalistes de Rue 89, ceux-là même qui perdraient leur travail si cela venait à se démocratiser.

Le MOOC créé par Rue 89 a le mérite d’apporter gratuitement des outils et des pistes de réflexions utiles aux internautes. Son approche de l’histoire du datajournalisme, de ses différents acteurs et de ses techniques est captivante. Mais il est nécessaire de rester objectif. Plusieurs points de ce cours peuvent être contestables. En effet, si le datajournalisme gagne en popularité sur le web, il n’est pas doté que de points positifs. Son automatisation facilitée peut en faire un danger pour la profession. De plus, centrer un article sur des chiffres ne doit pas être fait au détriment de la partie rédactionnelle… Ou alors le journaliste risque d’être remplacé par un informaticien.

Une victoire de plus pour Vladimir Poutine ? CNN suspend sa diffusion en Russie

La chaîne de télévision américaine CNN a déclaré ce lundi 10 novembre qu’elle suspendrait sa diffusion en Russie à compter de janvier 2015. La raison ? « De récents changements de la législation russe sur les médias » a déclaré la maison mère Turner International dans un communiqué de presse. En cause, un décret de loi publié en octobre qui stipule que les investisseurs étrangers ne peuvent détenir plus de 20 % des parts de marché d’un média diffusé en Russie. Le plafond était jusqu’à maintenant de 50 %.

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La presse de demain, indépendante et numérique ?

Les enjeux du journalisme actuel sont nombreux : s’adapter à un flux continu d’informations, à de nouveaux supports, tout en produisant une presse de qualité. En France, après La Tribune ou France soir, la version papier de Libération pourrait disparaître. Son indépendance, elle, n’est plus au goût du jour depuis l’ouverture au capital en 1983. Aux Etats-Unis, la fin du papier est prévue par le site Future Exploration pour 2018, en France pour 2029. Quelles solutions s’offrent au journalisme pour se renouveler ?

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