La presse de demain, indépendante et numérique ?

Les enjeux du journalisme actuel sont nombreux : s’adapter à un flux continu d’informations, à de nouveaux supports, tout en produisant une presse de qualité. En France, après La Tribune ou France soir, la version papier de Libération pourrait disparaître. Son indépendance, elle, n’est plus au goût du jour depuis l’ouverture au capital en 1983. Aux Etats-Unis, la fin du papier est prévue par le site Future Exploration pour 2018, en France pour 2029. Quelles solutions s’offrent au journalisme pour se renouveler ?

Libération, un journal qui se meurt

Le 4 décembre 2014, Arte publie sur son site une nécrologie amère (« Libération, journal d’encre et de rage, s’est éteint », aujourd’hui supprimée) du journal fondé en 1973 par Jean-Paul Sartre. Serge Halimi vilipende lui aussi le journal dans un édito assassin dans les colonnes du Monde Diplomatique en octobre dernier. Il déplore les atermoiements de cette presse issue de la gauche radicale, désormais plus proche du « rose pâle » que du « rouge vif » :

« La planète ne manque pas de détresses plus poignantes que l’interminable agonie d’une petite entreprise en panne de chiffre d’affaires, de clients et de raison sociale.»  Serge Halimi

Si Libé venait à disparaître complètement en version papier, le journal pourrait devenir un de réseau social « créateur de contenu monétisable », une idée avancée par les actionnaires du journal l’hiver dernier a été très mal perçue par la rédaction qui a répondu avec sa fameuse Une « Nous sommes un journal » (le 7 février), lié à un compte Twitter (@nousjournal).

Une coopérative pour assurer l’indépendance

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Die Tageszeitung, journal berlinois créé en 1979, s’est inspiré du journal Libération à sa naissance. Il s’en est écarté lors de la création d’une coopérative, avec un chiffre d’affaire qui provient à 80% des lecteurs. Un article de Libé décrit cette métamorphose qui est à l’inverse de son propose modèle économique :

«  (…) quand Libération décide d’ouvrir son capital aux investisseurs, la Tageszeitung choisit en 1992 de passer du mode associatif à celui de coopérative. Pas question de se mettre dans la main d’un actionnaire unique dans une presse allemande faite de grands groupes d’édition. La parole est aux camarades-lecteurs qui ont mis de leurs économies et décident de la destinée de l’entreprise. » Les salariés de Libération

Selon Legifrance, les coopératives sont formées par des travailleurs « associés pour exercer en commun leurs professions dans une entreprise qu’ils gèrent directement ou par l’intermédiaire de mandataires désignés par eux et en leur sein. » Lever des fonds qui ne dépendent pas d’entreprises privées ou gouvernementales permet de se détacher de certaines pressions économiques, et de garantir une information libre. C’est aussi le choix du Monde Diplomatique, qui n’est financé par la publicité qu’à hauteur de 5% de son chiffre d’affaire.

Internet : une chance pour la presse ?

Autre enjeu contemporain pour le journalisme : réussir sa mutation numérique. Un documentaire réalisé par Pierre-Olivier François, avec les journalistes Marie-Ève Chamard et Philippe Kieffer diffusé dans le cadre de l’émission Thema (Arte) en 2014 se penche sur la question de la chute des ventes papier et sur les possibilités technologiques du web.

Pour Michael Shapiro, enseignant à la Columbia School of Journalism, l’époque actuelle est « très excitante ». A tel point qu’il se demande : « Qu’y avait-il de si génial ce que nous faisions avant ? ». Le rédacteur en chef du New York Times, Richard W. Stevenson, insiste sur l’idée que le journaliste aujourd’hui ne peut jamais vraiment se déconnecter de son travail, à la différence d’il y 30 ans. Il lui arrive même de publier des articles avant d’arriver sur son lieu de travail, via son smartphone par exemple. Ce documentaire propose un regard éclairant sur le journalisme du futur. Et qui s’intéresse aussi aux pays émergents où la presse écrite se porte bien, comme l’Inde, malgré l’apparition de pure players qui proposent des contenus alternatifs comme Newslaundry. Un test en parallèle de la vidéo permet de découvrir son profil (Vagabond, Compulsif ou Pionnier) et nous apprend que 56% des participants préfère le papier en support mobile, tandis que 67% sont plus réceptifs au papier qu’aux écrans.

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abinaisse

abinaisse

Stambouliote pour quelques mois. Journaliste pour quelque temps.

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