Arte au service de la réconciliation flamande et wallonne

Après presque dix ans de « Quais des Belges » et quatre ans de « Vlaamse Kai », Arte Belgique (en coproduction avec Triangle7 et Novak) lancera dès septembre « Tout le Baz’Art », une émission bimensuelle, bilingue et sous-titrée en flamand et en français. Quand la télévision veut réconcilier deux cultures…

Hadja Labib (à dr.) et Fabrizio Cassol (à sa g.) assistent à la répétition de son fils
Hadja Lahbib (à dr.) et Fabrizio Cassol (à sa g.) assistent à la répétition de son fils. Capture d’écran.

Du Quai au Kai…

Au départ, en 2006, il n’y avait que « Quai des Belges ». Une émission mensuelle où Hadja Lahbib  (journaliste, grand reporter, documentariste, présentatrice du JT de la RTBF) présentait un documentaire et ses bonus, des plateaux avec invités filmés dans des lieux en rapport avec le thème du documentaire diffusé. Puis en 2011, la volonté d’élargir et de remodeler le format a abouti à la création de de « Vlaamse Kai » (littéralement : « quai des flamands »). Diffusé en parallèle à « Quai des Belges », l’émission suivait Hadja Lahbib, en dialogue avec son guide flamand et chacun dans sa langue. Cette première tentative d’émission bilingue avait le bon format, mais les invités n’étais que des artistes flamands…

Mais alors pourquoi pas fusionner les deux ? Juste une simple idée, au début, mais qui a vite emballé l’équipe et les producteurs. « Il n’y a pas de culture belge à proprement parler, comme il y a une culture française ou anglaise. Il y a d’un côté les Flamands et les Wallons. Certes, nous vivons dans le même pays, mais il y a une espèce de frontière que seul un média portant un sujet universel peut casser. Et c’est l’idée de « Tout le Baz’Art » : unifier deux cultures dans une émission bilingue en parlant d’art », explique Philippe Sellier, coproducteur.

« Tout le Baz’Art », le digne héritier

L’émission se composera en deux temps successifs bien distincts, mais liés par la présentation:

  • « Tout le Baz’Art » : comme dans un « Quai des Belges », Hadja Lahbib ira à la rencontre d’une personnalité du monde culturel belge, francophone ou flamande, en 26 minutes : Tout le Baz’Art d’Arno, Tout le Baz’Art de François Schuiten, Tout le Baz’Art de Marie Gillain, etc…
  • « Le Doc de Tout le Baz’Art » : un documentaire labellisé avec des critères précis, un défi d’écriture, la culture comme levier, une approche singulière… lancé par Hadja Lahbib en dialogue de quelques minutes avec le réalisateur du documentaire diffusé, avec une durée variable suivant celle du documentaire.

En quatre à cinq séquences de quatre à six minutes dans des lieux différents, face à Hadja Lahbib, l’invité se dévoile petit-à-petit, de touche en touche, de rencontre en rencontre. On peut imaginer une séquence intérieure, dans sa maison, son atelier, son lieu de vie et de travail; une séquence professionnelle, sur le chantier qui l’occupe au moment du tournage, avec ses collaborateurs; l’invité pourrait s’effacer un moment pour une séquence « vu de l’extérieur » dans laquelle un proche, un collègue, un critique, un spécialiste nous éclaire sur aspect particulier de sa personnalité ou de son travail.

Dans une séquence plus intime, l’invité pourrait nous livrer dans un lieu choisi, avec une personne signifiante, ce qui a motivé sa vocation ou les conséquences qu’elle a pu avoir sur sa vie; il y aurait chaque fois une séquence « surprise » où Hadja Lahbib tentera de le désarçonner avec une rencontre qu’il n’aura pas prévue : celui ou celle qu’il aurait aimé rencontrer, un ami perdu de vue, un alterego de l’autre côté de la frontière linguistique. Une des contraintes majeures de la bimensuelle d’Arte-Belgique est sa durée : une durée élastique, vu que l’émission est diffusée sur ARTE à la place d’une fiction, de durée variable, ainsi la durée de l’émission « Quai des Belges » ou « Vlaamse Kai » peut varier de 75 à 120 minutes.

Toujours une étape dans l’autre langue, le défi de la consciliation

Hadja Lahbib et son invité iront là où ça se passe, dans les studios, les scènes, les ateliers, les musées, les expos, les salles, les arrières-salles. Ils parlent de la culture comme elle se fait, partout où elle se niche, la culture de tous et celle faite par tous, celle des autres, et eux avec nous, dans les deux langues, français et néerlandais, et partout, en Wallonie, en Flandre, à Bruxelles. Une de ces étapes se déroulera nécessairement dans l’autre langue, de l’autre côté de la frontière linguistique, avec une rencontre entre l’invité et quelqu’un de l’autre communauté, flamand si il est francophone ou inversement et suivant le principe « chacun dans sa propre langue, iedereen in zijn eigen taal », en laissant bien sûr la liberté aux interlocuteurs de s’exprimer comme ils le souhaitent.

« Scrollons » tous en choeur

Le 15 avril, quelques jours avant le séisme au Népal, le Washington Post avait mis en ligne « Scalling Everest », une aventure graphique et multimédia permettant de suivre les étapes principales de l’ascension de ce mont qui culmine à 8 848 mètres d’altitude. Cette création visuelle de Richard Johnson, Bonnie Berkowitz, et Lazaro Gamio s’inscrit dans une tendance du journalisme multimédia de ces dernières années.

Un voyage par le dessin et le son

Ce reportage graphique ne comporte ni photographies ni vidéos. La voix des alpinistes est le seul élément de réalité, le reste n’étant que dessin, sans doute pour laisser toute sa place à l’imagination. Des indications sur la faune et la flore apparaissent à droite de l’écran lorsque l’on « scrolle », autrement dit lorsque l’on fait défiler la page. D’autres informations s’ajoutent, à la manière de notes épinglées sur un cahier de route : « land mark », « fast facts » ou encore « elevation indication ».

scalling Everest

Le New York Times, avec son récit interactif d’une avalanche (Snow Fall), propose quant à lui une nouvelle approche du journalisme : le slow journalism. Il ne semble pas idiot toutefois de rapprocher les deux initiatives qui, bien que différentes dans le fond, se ressemble dans la manière d’appréhender l’information, davantage basé sur la qualité que sur la quantité, sur le temps long et sur l’interactivité plutôt que sur l’instantané et le périssable.

Le scroll a la cote sur le web

Le Washington Post n’est pas le premier à utiliser ce genre de présentation. De nombreux pure players et médias traditionnels cherchant à innover dans les supports numériques utilisent le scroll ou bien l’insertion d’images et de son dans l’écrit. C’est par exemple le cas d’Ijsberg, avec ses contenus originaux et ses reportages long-format. Ou encore Inkyfada, journal en ligne francophone tunisien.

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Arte a également bien compris que le virage du numérique était inévitable. En plus de son service de vidéo en ligne Arte+7, elle fournit désormais son site de contenus web, parfois multimédias et souvent sous forme de dossier. À l’occasion du centenaire du génocide arménien, en parallèle de plusieurs films programmés sur ce sujet, le site est garni d’articles ou de mini-vidéos qui complètent les connaissances du spectateur, sous forme d’un dossier spécial. L’internaute peut retrouver une affiche représentant des membres de l’ASALA (Armée secrète arménienne de libération de l’Arménie), un mouvement terroriste qui organisa l’assassinat de diplomates turcs (opération Nemesis) avec des sons et des textes qui s’affichent lorsqu’il clique sur les dessins. Une timeline avec les grandes dates du génocide prend également part à ce portfolio historique.

Europe 1, radio généraliste française, commence aussi à développer ce format sur son site. Le séisme de Katmandou est par exemple raconté dans un article sous forme de scroll, sorte de diaporama que l’on déroule à la verticale. Créé par Maud Descamps, responsable des nouveaux formats éditoriaux d’Europe 1, comme elle se décrit sur Twitter, ce type de présentation est fréquemment utilisé pour alimenter le site web d’Europe 1. Autre exemple; un article interactif avec vidéos, photos et textes sur les camps de concentration français : « Struthof, Drancy : que reste-t-il des camps français ? »

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Cette exploitation du bi-média — voire tri-média — permet une convergence des supports et une exploitation intelligente d’Internet en tant que plate-forme de partage des savoirs et des connaissances. Quelque part entre le web documentaire et l’article enrichi.

La presse de demain, indépendante et numérique ?

Les enjeux du journalisme actuel sont nombreux : s’adapter à un flux continu d’informations, à de nouveaux supports, tout en produisant une presse de qualité. En France, après La Tribune ou France soir, la version papier de Libération pourrait disparaître. Son indépendance, elle, n’est plus au goût du jour depuis l’ouverture au capital en 1983. Aux Etats-Unis, la fin du papier est prévue par le site Future Exploration pour 2018, en France pour 2029. Quelles solutions s’offrent au journalisme pour se renouveler ?

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1914, Dernières Nouvelles, une expérience « in utero »

Capture d'écran de http://1914dernieresnouvelles.arte.tv
Capture d’écran de http://1914dernieresnouvelles.arte.tv

Le centenaire de la Première Guerre Mondiale est l’occasion pour beaucoup de projets hybride de voir le jour. Le webdocumentaire, cherchant encore sa forme, est alors le terrain parfait pour essayer de sensibiliser les jeunes scotchés devant leurs écrans à la mémoire. ARTE et Les Films d’Ici font donc appel à un réalisateur/créateur/webdocumentariste dont le thème de prédilection est la guerre et les armes pour mener le projet. Dans le sillage de ce qui l’a rendu célèbre (La Zone, en 2011) Bruno Masi, a dévoilé, dès le 1er janvier, le chimérique 1914, Dernières nouvelles. Un webdocumentaire non pas sur la guerre mais sur ce qui l’a préparé.

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