De nouveaux formats à la Sentinelle

Capsule vidéo, chronique radio, minute info, les nouveaux formats numériques fleurissent sur le site internet de l’express mauricien. Dernier en date : la Minute Info LSL, un journal télévisé quotidien diffusé sur le web, dont le lancement a eu lieu le 4 mai dernier.

En choisissant pour date de lancement le lendemain de la Journée mondiale de la liberté de la presse, l’express a voulu lancer un message en direction de la télévision nationale, propriété de l’État. Le temps où cette dernière détenait le monopole de l’information visuelle est bien révolu, et la bataille se jouera désormais sur le web. Ce journal sera donc le premier à concurrencer celui de la MBC, jugé souvent trop complaisant envers le pouvoir en place. « Nous avons réadapté le modèle du journal télévisé dans la sphère du web. D’où le modèle court, direct, que l’internaute peut regarder autant de fois qu’il le souhaite et à l’heure qui lui convient », explique Abdoolah Earally, chef d’édition multimédia de l’express.

LSL Digital, pôle où se retrouvent entre autres LSL Vidéo et LSL Radio,  va être amené à prendre de plus en plus d’ampleur. Cependant, cette évolution ne se fera pas au dépend ou en parallèle de la rédaction papier, mais bien dans une démarche de collaboration. Les journalistes sont invités à proposer des contenus et des formats déclinables sur le web. Ces dernières semaines, plusieurs nouveautés ont ainsi fait leur apparition sur lexpress.mu, sous l’impulsion de la formatrice Elodie Vialle et des responsables numériques du groupe. Outre la minute info, présentée par la jeune équipe vidéo de la Sentinelle, on trouve également Kas Poz, un agenda des sorties du week-end par les journalistes culture de l’express ; Ciné Steph, une chronique cinéma enregistrée par le journaliste culture du magazine 5 Plus, ou encore Info Business, sur l’actualité économique du jour. Ces nombreux lancements font office de test, et le nombre de vues engrangées par chaque format est scruté à la loupe. Car le défi n’est pas uniquement de proposer de nombreux contenus divers et variés, mais bien de pérenniser cette stratégie numérique sur le long terme.

Un succès à nuancer

Le briefing quotidien intègre désormais en première partie l’aspect web, qui prend en charge l’agenda et l’actualité dite « chaude ». Cette transition ne se fait pas forcément sans accrocs. Les journalistes voient en ces nouveaux formats une surcharge supplémentaire de travail qui pourrait nuire à leur production écrite. Or, pour la majorité, les quotas d’articles à produire représentent toujours la priorité. L’aspect web est encore appréhendé à distance, comme un élément extérieur, un supplément. La nécessité d’avoir le « réflexe web » et de décliner les contenus n’est pas encore ancré dans le quotidien de la rédaction papier. Alors que la direction insiste pour que cette transition ait lieu dans les plus brefs délais, certains risquent d’être laissés en cours de route s’ils ne prennent pas rapidement le train en marche. Mais malgré tout, penseront-ils à faire le suivi de ces projets et à en assurer la gestion de A à Z ? La réponse dans les mois à venir.

En conclusion, même si l’on peut saluer la réussite de la transition numérique de l’express, qui s’en sort mieux que certains de ces confrères européens ou américains, on peut se demander si l’une des raisons de cette réussite n’est pas l’absence de structure représentant les employés. Alors que des rédactions comme celle de Libération ont entamé des mouvements de grève pour ne pas être lésées par le passage au numérique, le cas pour que cela se produise ici relève de l’utopie.

En Afrique, vers une stratégie mobile first ?

Madagascar se situe à seulement deux heures d’avion de Maurice. Pourtant, les défis à relever en terme de numérique sur la Grande ile se situent à une toute autre échelle, la faute à un taux d’équipement relativement faible. Selon l’OMERT (Office malagasy pour l’étude et la régulation des télécommunication), pour une population de vingt-trois millions d’habitants, seuls huit millions possèdent un abonnement mobile, et 727 973 un abonnement internet — moins de 3 % ! Même s’il faut noter une amélioration par rapport à 2012, où les internautes représentaient 0,4 % de la population, difficile pour les médias d’envisager une stratégie numérique rentable. Les ambitions du groupe La Sentinelle, qui possède L’Express Madagascar, seraient-elles en inadéquation avec la conjoncture actuelle du pays ? Pas nécessairement. Si les chiffres actuels paraissent faibles, il faut s’attarder sur leur évolution sur le long terme.

Parmi les données relevées, une est particulièrement frappante : le boom des téléphones portables. En dix ans, le nombre de possesseurs de téléphones mobiles a été multiplié par 30. Rien qu’entre 2012 et 2013, le nombre d’abonnés à internet sur mobile a lui été multiplié par dix. Ne faudrait-il pas miser davantage sur une stratégie axée mobile first, au détriment des formats numériques traditionnels?

Évolution du nombre d’abonnés à Madagascar 

OPÉRATEURS 2008 2009 2010 2011 2012 2013
Service mobile 4 835 239 6 283 799 7 711 721 8 665 156 8 778 600 8 461 120
Service Internet 17 176 26 292 33 824 35 950 94 746 727 973

Source : OMERT

Nombre d’abonnés Internet à Madagascar 

2010 2011 2012 2013
Fixe (BLR, Wimax,ADSL) 13 600 17 719 22 350 24 009
Mobile 20 224 18 231 72 396 703 964

Source: OMERT

Une révolution amorcée sur tout le continent

Le groupe La Sentinelle a décidé de faire passer le cap du numérique à la version malgache de L’Express, formation des journalistes à l’appui. À Madagascar, comme dans beaucoup pays d’Afrique, l’accès au numérique reste limité. La faute en revient à des prix souvent prohibitifs, compte tenu du niveau de vie des habitants. La parade ? Privilégier l’utilisation d’internet sur les téléphones mobiles.

L’explosion du mobile en Afrique est à mettre majoritairement sur le compte de la mauvaise qualité voire de la quasi-inexistence d’un réseau internet fixe haut débit. Le continent a toutefois vu une amélioration de la bande passante suite à la récente prolifération des câbles sous-marins entre l’Afrique et l’Europe. Enfin, les téléphones et offres bon marché des opérateurs locaux se sont dernièrement multipliés. Le mobile s’est donc logiquement imposé comme l’accès privilégié à Internet pour le plus grand nombre.

Les derniers chiffres de l’Union internationale des télécommunications (UIT) confirment la tendance pour 2014 : tandis que le nombre de foyers africains ayant un accès internet stagne à 11 %, le nombre d’habitants possédant un téléphone portable atteint lui les 69 %.  Mais ce développement massif du mobile n’est pas encore toujours synonyme de démocratisation de l’économie numérique.

De nombreux freins pour l’internet traditionnel

RFI a rédigé en 2008 un dossier complet sur la question du prix d’accès à internet en Afrique. Des témoignages, confirmés par les chiffres de l’UIT, avaient imposé le constat suivant : au regard du revenu de la population, la connexion internet en Afrique était, de loin, la plus chère au monde. Houssen, auditeur malgache, expliquait alors : « ici il y a de plus en plus d’innovations en matière d’internet, mais le principal problème reste le coût qui reste très élevé. Par exemple, le coût de l’ADSL équivaut à un mois de salaire d’un ouvrier ». Le prix de la connexion était, à l’époque, de 28,94 USD par mois, soit 124,02 % du revenu mensuel sur l’île de Madagascar.

Frein toujours d’actualité en 2014, selon Emilar Gandhi de l’Association pour le progrès des communications (APC)  : « l’accès internet a connu une croissance rapide, mais la majorité des gens reste encore en dehors des zones de couverture et le coût d’accès est encore très élevé pour les abonnés. Le haut débit mobile a été facilement adopté, mais il est très cher et les débits sont relativement lents. » Point positif, l’arrivée de nouveaux opérateurs. Jusque-là souvent limité à un seul opérateur, l’opérateur « historique » Telma pour Madagascar, le marché très peu concurrentiel favorisait les prix très élevés. Depuis l’arrivée de Blueline, Orange et Airtel, les malgaches ont vu le coût des abonnements baisser. Cependant, ce n’est pas encore la panacée, et beaucoup déplorent que seuls Telma et Blueline proposent actuellement une connexion illimitée, à des  tarifs et des conditions d’abonnement inaccessibles pour la majorité de la population.

Interrogé par L’Express Madagascar en novembre 2014, Michel Barré, directeur général d’Orange Madagascar, déclarait au sujet des tarifs : « une bonne partie du coût d’exploitation du réseau dépend du coût de l’électricité. Et à Madagascar, le coût de l’électricité est parmi les plus chers du monde. Le coût d’exploitation dépend aussi des coûts des équipements dont la plupart sont importés. Les marges de manœuvre sont extrêmement faibles.  »

Nouvel Eldorado pour les médias

Au-delà des opérateurs, cette explosion du marché mobile profite à plus d’un secteur. Parmi eux, les médias. Une telle ébullition n’étonne pas Yves Bigot, directeur général de TV5 Monde : « à l’heure actuelle, l’Afrique, c’est le Klondike. Toutes les entreprises y sont et veulent profiter de cette extraordinaire croissance qui fait rêver. » Le 24 octobre dernier, Canal + lançait une nouvelle chaîne baptisée A +, entièrement dédiée aux contenus africains et diffusant à 40 % des programmes produits en Afrique francophone.

Dans son numéro 1771 de juin 2014, le magazine Stratégies relevait que la presse française n’est pas en reste en matière de projets. Et ils sont tous orientés vers le mobile. L’existence de médias français et/ou internationaux destinés à l’Afrique n’est certes pas une nouveauté. On pense à RFI ou au précurseur Jeune Afrique, édité à Paris depuis 1960 et premier magazine panafricain en termes d’audience. Jeune Afrique, qui a levé 150 000 euros auprès du Fonds Google pour créer « la première plate-forme de revente de contenus éditoriaux francophones sur l’Afrique ». Il travaille aussi sur une nouvelle version de son site avec des applis smartphones et tablettes.

Parmi les autres exemples, la version française de Slate a lancé Slate Afrique en février 2011. Le Huffington Post s’est joint à cette dynamique en lançant le HuffPost Maghreb en juin 2013, d’abord en Tunisie, puis en Algérie et au Maroc. Le Monde a lancé le 20 janvier la version Afrique de son site internet. Une plateforme 100 % numérique, à l’interface légère pour s’adapter aux supports les plus dynamiques : smartphones et tablettes. Enfin, Le Point  a inauguré son site dédié à l’actualité africaine francophone en mars 2014.

Face à un marché local moribond, saturé, le continent africain représente un nouveau terrain à conquérir pour les médias, principalement sur les nouveaux supports technologiques. L’expansion du mobile, la croissance positive sont autant de facteurs qui encouragent à se tourner vers l’Afrique, qui semble offrir des possibilités infinies.

Au vu de ces éclaircissements, le lancement d’une application et d’un site davantage tourné vers le mobile semble plus judicieux pour L’Express Madagascar.  Et cela pour toucher le cœur de cible : les jeunes. D’autant que le gouvernement semble vouloir favoriser le développement du numérique en introduisant peu à peu son apprentissage à l’école.

Média Trust, l’espoir renait pour les journalistes mauriciens

Le Media Trust est une institution créée par l’Assemblée Nationale de Maurice en 1994. Elle avait alors pour objectif la formation des journalistes, mais également la gestion des fonds du gouvernement alloués à cette dernière (environ 2 millions de roupies par an), l’organisation de conférences et d’ateliers, le développement des relations avec des organisations de presse étrangères… Le conseil d’administration du MTB comprend un président, un représentant du ministère de l’Information et du ministère des Finances, un des organisations de journalistes, de l’electronic media et enfin quatre représentants de la presse, élus par les professionnels du secteur. Après sa création, des centaines de journalistes, secrétaires de rédaction et photographes ont pu bénéficié de stages dans de grandes entreprises de presse internationales ou de cours dans de prestigieuses écoles de formation,  aussi bien à Maurice qu’à l’étranger.

Cependant, en 2006, alors qu’un nouveau Board of Trustees est élu par l’ensemble de la presse, le Premier ministre Navin Ramgoolam, également ministre de l’Information, refuse d’approuver ses nouveaux membres.  Déjà à l’époque, il ne bénéficie pas d’une très bonne image médiatique et n’apprécie guère ses apparitions dans la presse. Refusant de cautionner cette manœuvre anti-démocratique du gouvernement, les membres élus choisissent de démissionner.

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Les 4 membres du Média Trust de 2006 :Priscilla Tirvengadum, Nad Sivaramen, Ehshan Kodarbux et Finlay Salesse.

Un retour attendu…

Neuf ans plus tard, le Media Trust reprend vie. Durant la campagne électorale, les dirigeants de l’Alliance Lepep avaient promis de faire renaître l’organisme de ses cendres. Promesse tenue. Le 14 janvier, Bheem Hossanee, secrétaire administratif de l’institution, a reçu un courrier du bureau du Premier ministre lui demandant de procéder à la reconstitution du Board. Et c’est le mardi 10 Mars que les journalistes se sont rendus aux urnes pour élire leurs quatre représentants, deux rédacteurs en chef et deux journalistes, appartenant à l’un des médias locaux et ayant déposé leur candidature.

« Je me réjouis de cette démarche gouvernementale visant à faire revivre le Media Trust », commente Finlay Salesse, président du conseil d’administration. « Nous allons pouvoir désormais remettre en œuvre tous les projets qui avaient été jusqu’ici gelés, c’est-à-dire la formation des journalistes et des gens de presse, que ce soit auprès des radiotélévisions étrangères ou des grandes écoles de journalisme, et continuer à recevoir les invités et autres conférenciers. »

…mais une faible mobilisation

Seul quatre rédacteurs en chef et cinq journalistes se sont présentés aux élections du Média Trust. Premier couac : quelques semaines avant la tenue des élections, on s’est rappelé qu’une mesure du Media Trust Act autorisait seulement les journalistes et rédacteurs en chef de la presse écrite à se porter candidats. Malgré l’émission d’une nouvelle Notice of Election, ouvrant la voie aux candidatures des journalistes des radios privées et de sites Web d’information, aucun représentant de Radio One ni de Top FM n’a signifié son intention de faire partie de l’aventure. Même désintérêt dans le cas du groupe de presse Le Mauricien.

 

Même constat au niveau de la participation : sur 454 journalistes et photographes enregistrés, seulement 154 se sont déplacés pour le vote. Le but à tout de même été atteint : une nouvelle équipé a été élue.  Et à leur tête, pour la première fois, une femme : Michaëlla Seblin, rédactrice en chef du magasine 5 Plus, ainsi que Rabin Bhujun, du site ION News. Dans la catégorie des journalistes, ce sont Jean-Luc Emile (Défi Media Group) et Patrick St- Pierre (La Sentinelle Ltée) qui ont été choisis.

Les nouveaux élus du Média Trust:  Michaëlla Seblin, Rabin Bhujun, Jean-Luc Emile et Patrick St-Pierre.
Les nouveaux élus du Média Trust: Michaëlla Seblin, Rabin Bhujun, Jean-Luc Emile et Patrick St-Pierre.

 

Ce n’est que la première étape d’une longue série qui a été franchie. Le gouvernement doit maintenant nommer les autres membres du conseil d’administration du Media Trust et son président afin que l’organisme puisse se mettre au travail, avec un retard d’une décennie à rattraper.

MBC : le feuilleton de la télévision publique mauricienne

Balzac affirmait en 1840 que « La presse est en France un quatrième pouvoir dans l’État : elle attaque tout et personne ne l’attaque. » Plus d’un siècle et demi plus tard, ce constat est toujours d’actualité et les dirigeants l’ont bien compris. Et à défaut de ne pouvoir empêcher les attaques, ils peuvent toujours s’assurer qu’elles ne les visent pas. N’a t-on pas plus d’une fois pointé du doigt les relations entre Nicolas Sarkozy et différents patrons de groupes de presse comme Martin Bouygues ou Arnaud Lagardère, discréditant dès lors la crédibilité journalistique des médias et leur capacité à parler objectivement de l’ancien président ? A Maurice, c’est la société de télévision nationale, Mauritius Broadcasting Corporation, qui a été accusé de constamment jouer le jeu du pouvoir en place, au mépris des valeurs défendues par le journalisme.

La société de radiotélévision nationale MBC s’est, au fil des années, forgée une réputation de média au service du parti au pouvoir. En servant ses intérêts et en lui offrant une image irréprochable, elle s’apparente davantage à un service de communication très efficace qu’à un relais d’information fiable. Chacun voulant sa part du gâteau, chaque gouvernement successif s’est toujours assuré que les postes à responsabilités soient occupés par des hommes proches de leurs idées. D’où le jeu de chaises musicale que connait la société depuis sa création en 1944, le directeur variant selon les résultats dans les urnes électorales.

Digne d’un soap opéra

Ceux qui ont connu la MBC de 1968 à 1982 se rappellent d’un audiovisuel d’un autre âge, où aucune autre voix que celle des puissants du jour n’était autorisée. Aucune trace à la radio ou à la télévision de l’opposition, même lorsqu’elle remporta les élections de 76 et que sa victoire fut confisquée par un arrangement post-électoral, pas de passage de chansons engagées, rien qui ne dépasse du cadre strict établi par le gouvernement.

Bien que le nouveau MBC Act fût voté en octobre 82, stipulant de manière explicite l’obligation de « fournir un service d’information indépendant et impartial », certains n’entendaient pas abandonner leur emprise sur le média.

Parmi les nombreux exemples des malversations imputées à la chaîne: on se souvient encore d’ un débat télévisé en direct, axé sur la nationalité mauricienne, qui fut brutalement interrompu lorsque des critiques furent portées par certains participants contre le ministre de l’Intérieur et actuel Premier ministre, Sir Anerood Jugnauth.

Autre exemple, en 2002, la nomination par ce dernier de Torriden Chellapermal au poste de directeur général. Problème, bien que connu du milieu audiovisuel, son arrivée au sommet de la MBC suscita néanmoins quelques remous,  son passé d’attaché de presse de Jugnauth engendrant quelques réserves sur son impartialité.

Avec le retour de Navin Ramgoolam en 2005, ce fut le come-back de Bijaye Madhoo à la tête de la MBC, dont la gestion fut très critiquée, non seulement par le public, mais aussi par un rapport du Management Audit Bureau. Il fut remplacé en 2009 par Dan Callikan, qui agit alors ouvertement comme le directeur de communication du Premier ministre jusqu’à son départ.

Manipulation des images, des propos, des chiffres, chaque gouvernement se sert des chaines de la MBC pour discréditer ses rivaux, diffusant impunément un message mensonger sur des ondes hertziennes censées servir à informer les mauriciens.

Une ère nouvelle

Il n’a pas attendu que le nouveau gouvernement lui indique la sortie pour prendre la porte. Dan Callikan a fait ses cartons le 11 décembre, alors que les résultats officiels des élections n’avaient pas encore été annoncés, emportant avec lui une enveloppe de Rs 5 millions, au nom de la clause de conscience.

Alors que certains employés tentent de retourner leur veste politique pour conserver leur poste, une enquête est menée par l’Independent Commission against Corruption (ICAC) au sein de la société. Des employés inexistants touchant Rs 100 000 ou des postes  accordés à des proches de l’ancien régime sont autant de pistes à explorer. Mais il est aussi question de l’orientation propagandiste donnée au traitement de l’information.

Alors que Pritam Parmessur s’installe dans le nouveau fauteuil de directeur, les employés veulent garder espoir. « Nous ne voulons plus travailler sous l’emprise du gouvernement. Nous espérons pouvoir faire enfin notre métier de journaliste, c’est-à-dire informer la population, tout en respectant le code d’éthique du service public. »

Un (léger) vent de nouveauté

Depuis deux semaines, les différents bulletins d’informations ne durent qu’une trentaine de minutes. Ils sont composés de plusieurs reportages d’une durée maximale de deux minutes. Désormais, les journalistes sont autorisés à traiter des enquêtes judiciaires et de réaliser des reportages de société. « Nous faisons maintenant du journalisme. Avant, c’était une heure et trente minutes d’infos, où l’on voyait uniquement Navin Ramgoolam. Nous étions obligés de suivre l’ex-Premier ministre à chacun de ses déplacements pour en faire notre principale information, car les ordres venaient d’en haut », confie une journaliste. On se souviendra que des membres de la rédaction ont été victimes de représailles ou de réprimandes (mutation, rétrogradation,…) pour n’avoir pu assister aux fonctions de l’ex-Premier ministre, que l’absence de la MBC rendait souvent nerveux. À l’époque, il fallait également savoir faire abstraction des informations susceptibles de mettre le gouvernement dans l’embarras.

Un nouveau départ semble être pris dans les locaux de la MBC, même si beaucoup se montre sceptiques sur la capacité à se renouveler de cette institution historiquement dévouée au pouvoir. En effet, la maitrise de l’information reste un fruit défendu très tentant pour les gouvernants, qui connaissent l’impact des médias sur l’opinion publique. La suite aux prochaines élections.

L’express prend de la hauteur

Même si des milliers de kilomètres les séparent, les ambitions du journal mauricien L’express ne diffèrent pas de celles de ses confrères occidentaux : réussir à passer avec brio le cap du numérique.

Site internet battant des records, forte présence sur les réseaux sociaux, échanges sur le terrain via applications mobiles… l’équipe de L’express a clairement entamé la transition vers le numérique. Le tout dans une mécanique parfaitement huilée… ou presque. La prédominance d’internet ne se fait pas autant ressentir à Maurice que dans d’autres parties du globe. Les pure-players se limitant au site ionnews.mu, la bataille se livre encore sur le papier. L’express a néanmoins choisi d’anticiper : « Nous avons entamé un virage numérique depuis avril 2013 », explique Nad Sivaramen, le directeur des publications du journal. La stratégie s’est avérée payante : lors des dernières élections de décembre, le site internet lexpress.mu a attiré près de 153 000 visiteurs uniques par jour, devenant le site le plus consulté du pays, juste derrière Google et Facebook.

Ce dernier, tout comme Twitter et Youtube, ne sont pas oubliés : « C’est surtout les réseaux sociaux qui ont reformaté la donne médiatique. Ils permettent de réactualiser beaucoup plus vite l’information que l’imprimé et offrent d’autres perspectives : les internautes deviennent des citoyens journalistes », poursuit le directeur.

Le téléphone en ligne de mire

Prochain défi pour le journal ? La vidéo et, surtout, le portage sur téléphone portable, comme l’annonce Loïc Forget, responsable du pôle vidéo de l’express : « C’est toujours la technologie qu’on essaie de pousser de l’avant. Pour la vidéo, il faut être le plus rapide possible, diffuser l’info dans les 30 minutes qui suivent ». Pour cela, les smartphones sont devenus des outils indispensables aux journalistes, qui peuvent ainsi échanger de manière instantanée données, photos et autres scoops, réduisant ainsi les temps d’échanges et les délais de publication sur le net de manière drastique.

« L’internet et le numérique vont prendre une place de plus en plus importante », prédit Nad Sivaramen: « il faudra faire systématiquement une couverture multimédia des évènements, être multitâches », et, à long terme, « basculer les services sur le mobile », la consommation d’informations sur ce support connaissant un développement fulgurant.

Un œil dans le ciel

Le journal a aussi créé l’évènement en octobre dernier, en étant le premier (et pour l’instant le seul) support d’information ayant eu recours aux drones pour illustrer ses reportages. Lundi 13 octobre, en couverture de L’express : deux photos aériennes des meetings politiques de la veille.

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L’objectif: pouvoir proposer une approximation du nombre de participants, souvent exagéré par les dirigeants des partis. C’est le vol d’essai pour les drones, qui deviendront par la suite des outils utilisés fréquemment pour la prise d’images. Ces derniers sont pilotés par quatre jeunes passionnés de modèles réduits. Depuis trois ans, ils ont appris à piloter des drones spécialisés dans des prises d’images aériennes. Ce quatuor, baptisé Flying Freaks, a été engagé par le journal et officie désormais sur la majorité des reportages. Cela offre de nouvelles perspectives à la fois au niveau technique mais également journalistique, en permettant de varier les angles via une couverture visuelle plus large.

Cependant, l’innovation à un coût, et le mot d’ordre pour la direction est clair : réussir le pari de financer cette stratégie numérique. L’investissement dans une société de drones pourrait alors s’avérer lucratif, les images fournies pouvant alors être proposées à l’international. L’express jouit pour le moment de l’exclusivité, mais au vu des nombreuses réactions positives des habitants face aux images ou aux vidéos (comme par exemple la vidéo de l’évènement religieux Maha Shivaratree), la concurrence ne devrait pas tarder à leur emboiter le pas.