A la fin du mois d’octobre se terminait le cours en ligne (ou MOOC) de rue89, portant sur le datajournalisme. Le dispositif avait été mis en place en partenariat avec GEN et First Business Mooc, deux éditeurs de Moocs. L’objectif était d’apprendre à l’internaute les problématiques, les techniques et les enjeux du journalisme de données. Le cours, d’une durée de quatre semaines, abordait donc les questions pratiques et techniques du sujet. Mais quelles sont finalement les leçons à en tirer ?
« Le datajournalisme, c’est d’abord raconter une histoire »
Voilà une phrase qu’un journaliste web devrait peut-être garder en tête. Le MOOC explique que le datajournalisme n’a pas uniquement pour but de proposer une pléiade de chiffres au lecteur. Malgré l’apparence souvent austère d’un graphique, il faut être capable de le rendre intéressant, attractif. Il est donc important d’approcher les données de façon journalistique et non scientifique. En clair, il faut faire parler les données.
« Sur internet, vous êtes en concurrence avec Facebook et candycrush »
Raconter des histoires d’accord, mais vite alors ! Au détour d’un cours sur la mise en forme d’un graphique, l’intervenant lance cette remarque plutôt surprenante. Une affirmation à rejeter en bloc ? Pas forcément. Celle-ci se justifie par le fait qu’en France, le mobinaute passe en moyenne une heure par jour sur son téléphone. Il suffit de scruter régulièrement les smartphones de ses voisins de métro pour constater que Candycrush a la cote. Quand à Facebook, la popularité du premier réseau social mondial n’est plus à démontrer. Cependant, l’idée est à relativiser. S’il est facile est pratique de lire un article sur son smartphone, afficher un graphique sur un tout petit écran n’est pas toujours faisable. Exemple avec cette illustration publiée dans Le Monde, où les intitulés empiètent sur le diagramme.
On peut donc supposer que le datajournalisme est plus simple à lire sur un ordinateur. Difficile alors d’imaginer que des articles d’actualité s’adressent à des internautes qui passent leur temps sur Facebook et sur la version navigateur de Candy Crush…
“On peut créer des articles type qui seront publiés automatiquement”
En mars 2014, le Los Angeles Times publie un article automatique au sujet d’un ouragan. Les journalistes ont simplement rédigé le « tronc » de l’article, laissant à l’ordinateur le soin de remplir les blancs avec les données : force de l’ouragan, nombre de victimes, date… L’intervenant est très positif et même enthousiaste à propos de cette technique. Mais voilà : une fois que ce « tronc » a été rédigé, à quoi le journaliste sert-il ? On peut imaginer une salle de rédaction uniquement composée d’ordinateurs, publiant très rapidement des articles tous identiques. Comment feraient-ils alors pour « raconter des histoires » ? Il est étrange que ce MOOC présente cette technique avec enthousiasme. Sans compter qu’il a été rédigé en partie par des journalistes de Rue 89, ceux-là même qui perdraient leur travail si cela venait à se démocratiser.
Le MOOC créé par Rue 89 a le mérite d’apporter gratuitement des outils et des pistes de réflexions utiles aux internautes. Son approche de l’histoire du datajournalisme, de ses différents acteurs et de ses techniques est captivante. Mais il est nécessaire de rester objectif. Plusieurs points de ce cours peuvent être contestables. En effet, si le datajournalisme gagne en popularité sur le web, il n’est pas doté que de points positifs. Son automatisation facilitée peut en faire un danger pour la profession. De plus, centrer un article sur des chiffres ne doit pas être fait au détriment de la partie rédactionnelle… Ou alors le journaliste risque d’être remplacé par un informaticien.