Magazine et numérique : face à une concurrence 2.0

 

« L’avenir des journaux est à chercher dans le numérique » affirmait Rupert Murdoch en 2009. Or, en se lançant dans l’aventure numérique, un magazine prend des risques.  Certes, à long terme,  c’est un moyen de booster son édition mais, avant d’être rentable, il doit franchir plusieurs obstacles. Le premier : écarter la concurrence.

Sur internet, un magazine arrive en terrain miné : des sites étaient là avant lui. Bloggeurs, sites spécialisés et autre portails, ils sont nombreux à avoir investi la toile bien avant l’ère de la presse numérique, le fameux web 2.0 de 2007. C’est pourquoi, lorsqu’un  magazine s’exporte vers le web, il est vite comparé à ses concurrents. Elle magazine, par exemple,  a rencontré une vive rivalité lors de son apparition sur la toile. D’emblée, il a trouvé  sur sa route d’autres magazines, flairant le filon, comme Marie Claire, Femme Actuelle et autres gratuits. Site internet créé en 1999 auFéminin.com est son principal concurrent. Premier arrivé, premier servi ; auFéminin.com est le site préféré des internautes avec 24% des votes selon une étude NetObserver contre 6,8% pour Femmeactuelle.fr et 4,9% pour Elle.fr. Le succès de ces anciens pure-players est conséquent puisque 01net.com décroche la palme dans sa catégorie « Technologie ».

Jean-Marie Charon, sociologue des médias et chercheur au CNRS, analyse ce décalage entre les magazines numériques et les pure-players déjà existants :

Ces pure-players ont pris une longueur d’avance difficile à rattraper. Dès lors, leur ancienneté leur confère une grande crédibilité, un temps d’avance, de nombreuses visites et donc des revenus certains via la publicité. Ils ont pu ensuite développer d’autres ressources comme leur communauté.

Les GAFA distribuent les cartes

Un magazine sur le web découvre également une nouvelle forme de business. Tous les sites se battent pour capter l’intention des internautes. Pour cela, ils sont presque obligés de passer par des intermédiaires (les moteurs de recherches par exemple). En effet, plus communément appelés les GAFA (Google, Amazon, Facebook et Apple), les cadors du web prennent en main le nouveau magazine arrivant sur la toile. Dans un entretien, Yannick Silvente, responsable commercial de Rue89Lyon, l’explique « Les versions numériques des magazines sont distribuées par les ‘’GAFA’’, ils se commissionnent sur les ventes et imposent une grille tarifaire au nouvel arrivant à hauteur de 30% ». Comme un buraliste, les GAFA prélèvent une dote sur le magazine en ligne. On les appelle aussi les sites-guichets. Ils établissent des pressions sur les tarifs publicitaires, distribuent ainsi les cartes du web et alimentent la concurrence. Pour Jean-Marie Charon, c’est un problème :

En ligne de mire ? Le référencement. Véritable fer de lance d’un magazine sur le web, le référencement d’un site s’avère primordiale dans sa conquête de la toile. Être bien référencé, c’est obtenir plus de pubs, attirer plus d’internautes et donc de construire un modèle économique plus stable. Néanmoins, pour être référencé – et apparaître en haut d’une recherche Google, soit on paye, soit on est créatif (référencement naturel).

Encore plus d’intermédiaires

Enfin, le web a vu éclore une autre sorte de concurrence hybride pour la presse : les plateformes d’échange ou magazines sociaux tels que Flipboard,  Zite, News.me ou Paperli, dans une culture de la gratuité. Leur principe est très simple : lier le média au lecteur. Certes, ces plateformes permettent de diffuser un média rapidement. Néanmoins, permettent-elles à ce média de garder le lecteur ?

Pour certains oui, pour d’autres non. D’un côté, il incombe à Flipboard sa part de responsabilité dans l’échec de « The Daily », le magazine généraliste tout-tablette lancé par Ruper Murdoch en 2011, fermé en 2012. Apple semble aussi être impliqué comme l’explique l’équipe de podcasteurs ON REFAIT LE MAC.

De l’autre, ces agrégateurs ne représentent que « 5 à 20% du trafic » selon les estimations. Quoi qu’il en soit, même si ces propos sont à nuancer, ces plateformes relais sont problématiques puisqu’elles coupent également des revenus publicitaires aux sites de presse.

Les éditeurs de presse ne seraient donc plus seuls maîtres de leurs contenus en ligne car ceux-ci sont exploités et diffusés. L’unique pouvoir pour un magazine semble être sa marque. S’il veut exister sur la toile, il doit se différencier de la concurrence et être identifié. A la recherche de fiabilité, l’internaute tend à se tourner vers des marques crédibles. Donner de la valeur ajoutée à son contenu, c’est là où la presse magazine peut tirer son épingle du jeu.

 Article rédigé par Lucas Colin