Vent de censure en Equateur

 

Xavier Bonilla, caricaturiste équatorien, a été poursuivi en justice pour un dessin publié dans le journal El Universo en décembre dernier. Attaqué par le Président Rafael Correa, le quotidien devra payer une amende de 2% des recettes du dernier trimestre. Ces dernières années, de nombreux cas de censures ont déclenché des polémiques concernant le chef de l’État.

Capture d’écran de la page Caricature de journal El Universo, 16-02-2014

Pointant à la 119e place au classement de reporters sans frontières, l’Equateur fait figure de mauvais élève. Rafael Correa, Président depuis 2007, n’apprécie pas que l’on le contredise dans les médias indépendants. Depuis le mois de juin  2013, le gouvernement a pu ratifier une loi (Comunicación y Código Integral Penal), ainsi que deux règlements (la mise en œuvre de la loi sur les médias et la réglementation d’ONG). Rafael Correa a ensuite désigné des autorités de surveillance des médias afin de créer des règlements et d’appliquer des sanctions.

La première sanction vient de tomber : le journal El Universo devra payer une amende d’environ 90 000 dollars. En effet, le journal a publié un dessin de Xavier Bonilla, dit « Bonil », caricaturiste, qui selon Rafael Correa, serait contraire au principe de présomption d’innocence. Publié le 28 décembre dernier, le dessin présente une perquisition chez Fernando Villavicencio, ex-syndicaliste reconverti en assistant parlementaire d’un député, d’abord allié de Rafael Correa, et maintenant dans l’opposition. Soupçonné de hacking des comptes Internet de ce dernier, l’ex-syndicaliste est présenté entouré de policiers entrant chez lui afin d’emporter des ordinateurs et des télés. La légende explique « Nous emportons les documents dénonçant la corruption. »

Censure v/s humour
Le président a alors considéré qu’il y avait calomnie. Il accuse le dessin d’encourager le trouble social, que les faits relatés sont faux et illégitimes. Le 28 janvier, le chef de l’État a alors décidé de poursuivre en justice le quotidien. En réponse à cette attaque, le caricaturiste se défend : «La sanction imposée à El Universo est injuste, le journal est sanctionné parce qu’il ne m’a pas censuré, c’est un comble. En haut de la page, il est expliqué que mes opinions n’engagent que moi. Maintenant, grâce à la nouvelle loi, l’État peut intervenir et contrôler les médias. Elle va créer un climat d’autocensure».

Le dessin mis en cause par le gouvernement équatorien

Selon Bonil, cela va permettre au gouvernement de lancer un message. « Ils vont pouvoir se dire qu’ils ont attaqué le plus grand journal d’Equateur, et que s’ils l’ont fait avec nous, ils pourront le faire avec d’autres.

Bonil a répondu avec humour à l’attaque radiophonique de Correa. Le 1er février dernier, en direct à la radio, le président a traité Bonil de « menteur, haineux et lâche ». La réponse du dessinateur ne tarde pas, il lui déclare son « humour infini » deux jours plus tard. C’est son antidote contre la peur et l’intimidation.

La presse n’est pas la seule concernée, en décembre dernier, le gouvernement a ordonné l’interdiction de l’ONG Pachamama, dédiée à la défense des forêts tropicales. Correa l’accuse de conduite agressive lors de manifestation contre l’exploitation pétrolière en Amazonie. L’autorisation d’exister a donc été retirée à l’ONG, ainsi qu’à une vingtaine d’autres associations. Reste à savoir si Rafael Correa continuera sur cette voie ou non.

Article rédigé par Manon Sisti