Contenu original, information enrichie, lecteur stimulé… À l’ère 2.0, valoriser la parole citoyenne est devenu un enjeu de taille pour de nombreux magazines. Au-delà du simple avis, le lecteur participe à la production de contenu et offre son expertise. Un potentiel informationnel sur lequel plusieurs magazines d’actualité, comme le Nouvel obs, ont choisi de miser.
À l’heure où certains magazines, comme l’Express et Courrier International, font des blogs un axe important de la participation citoyenne, d’autres tentent de pousser la contribution des lecteurs un peu plus loin. Notamment via la création de sites participatifs. C’est la stratégie de l’hebdomadaire Le Nouvel Obs qui a créé en 2011 Le Plus, la première plateforme participative entièrement intégrée au magazine. « Le Plus est un projet totalement intégré dans Le Nouvel Obs […] avec un espace sur le site d’information du journal mais aussi dans l’hebdo papier lui-même. C’est un site participatif pleinement assumé par le journal» explique Aude Baron, rédactrice en chef du Plus, sur le site Erwanngaucher.com.
« Enrichir le champ d’informations du magazine »
Le concept ? Un espace entièrement consacré aux témoignages de citoyens, d’experts et de témoins qui expriment leur point de vue et apportent leurs connaissances sur des sujets qu’ils maîtrisent. « Il fallait attirer une audience plus jeune et enrichir le champ d’informations du magazine » explique Benoit Raphael, consultant sur les projets numériques du groupe Le Nouvel Obs. « On entend toujours les mêmes experts et les mêmes personnalités s’exprimer. Mais il y a plein de gens intéressants qui ont des choses à dire. Cette plateforme permet donc d’aller les chercher en exploitant le réseau du web ».
En se connectant sur Le Plus, chaque internaute peut réagir à l’actualité en proposant sa propre analyse. (Capture d’écran du site Le Plus, le 14 octobre 2013.)
Doté de sa propre rédaction composée d’une dizaine de journalistes, l’objectif du site est de créer une « communauté d’experts » qui offre à chaque internaute la possibilité de s’inscrire, via son compte Facebook ou Twitter et de parrainer les personnes de leur choix. Les journalistes fonctionnent donc avec leur propre réseau, tout en allant chercher de nouveaux contributeurs. « C’est tout un travail d’animation journalistique. Lorsqu’un internaute s’inscrit sur Le Plus, un échange a lieu entre lui et un journaliste. Ce dernier évalue son potentiel et le motive. Au total, une trentaine de chroniqueurs s’exprime sur le site chaque jour», poursuit Benoit Raphael.
Vers un nouveau journalisme ?
Ce concept novateur dans le secteur de la presse magazine ressemble cependant à l’ancien site participatif Le Post, d’abord lancé par le quotidien Le Monde en 2007 et arrêté en 2012. « Le Plus est un média plus mature que Le Post. Il offre une véritable analyse, une meilleure qualité d’écriture et une collaboration durable entre journalistes et internautes. Ces deux sites ne visent pas le même public» précise Benoit Raphael, également co-fondateur du site Le Post.
Une évolution positive pour la presse magazine selon le créateur du Plus. « Le rôle du journaliste est de faire émerger l’information, de donner la parole et de la structurer. Certaines personnes peuvent avoir une vision de l’actualité qui rend leur parole intéressante, et qui dans certains domaines sauront mieux en parler que le journaliste lui-même. C’est un véritable enrichissement.» Un concept qui rassemble de plus en plus de lecteurs, en plus de l’audience habituelle du Nouvel Obs. « Ce système est parfaitement complémentaire avec le site web et la version papier du magazine, qui a été enrichie en remplaçant le courrier des lecteurs par le Plus. Associer les deux permet d’apporter la meilleure information en temps réel. Cela permet également d’attirer une nouvelle audience, qui souvent vient s’ajouter à celle du magazine. »
L’édition papier du Nouvel Obs consacre désormais plusieurs pages aux articles publiés sur Le Plus.
Un concept qui ne fait pas l’unanimité
Ce modèle nécessite cependant un important travail d’accompagnement et de modération à postériori. Ce qui peut provoquer certaines dérives à partir du moment où certaines opinions, de par leur contenu, peuvent choquer. Mais c’est également le modèle économique du Plus qui ne fait pas l’unanimité : quand certains l’accusent « de faire la part belle à la précarité» de ses journalistes, d’autres, comme Sophie Gourion, bloggeuse et ex-contributrice du Plus, dénonce sur son site le fonctionnement de ce dernier : « Le Plus revendique un modèle économique fondé sur le principe suivant : seule une poignée de contributeurs est rémunérée, les autres devant se contenter de participer à une « belle aventure » ou d’hypothétiques récompenses.» Mais pour Benoit Raphael, « C’est un modèle qui se construit. Certains contributeurs ont une production plus régulière et sont donc rémunérés, d’autres contribuent plus ponctuellement. Le but est avant tout de proposer du contenu différent et d’enrichir le regard porté sur l’information, ce qui n’est pas forcément moins cher. » Des limites du participatif qui n’empêchent pas Le Plus de séduire les internautes, avec plus de deux millions de lecteurs par mois, et de lancer son application mobile et tablette.
Article rédigé par Sonia Baritello