La presse suisse, pour l’instant, la tête hors de l’eau

Chaque année, la consommation mondiale de presse payante baisse de 2 %. La France a subi ce choc de plein fouet alors que la Suisse a beaucoup mieux appréhendée notamment l’arrivée d’internet. Mais elle devrait d’ici quelques années connaître le même inévitable déclin que les autres grands pays de presse.

En 2014, plus de 180 titres existent en Suisse pour seulement huit millions d’habitants. Le pays est un gros consommateur de presse payante avec une population habituée à acheter son voire ses journaux chaque matin. Les kiosques à journaux foisonnent et pas un supermarché vend moins de trois ou quatre titres différents. En France, c’est le journal local qui est favorisé aux détriments des autres. La différence est qu’en Suisse pour une même zone géographique il existe plusieurs titres, et qui sont assez anciens.

titres suisses

Ils tirent un nombre d’exemplaires important proportionnellement au nombre de personnes concernées. Pour le cas de l’Express par exemple, le tirage s’élève à environ 20 000 exemplaires pour le seul canton de Neuchâtel et ses 177 000 habitants. En prenant en compte le prix relativement élevé du quotidien (2,5 Frcs sui. soit 2,5 € environ aujourd’hui), voilà une belle preuve que la presse écrite est toujours debout en Suisse.

La principale cause est sans doute l’éducation. Les Suisses favorisent beaucoup la lecture à internet par exemple et les journaux ne développent que très peu leurs articles sur les sites comme c’est le cas pour l’Express, même avec des abonnements. On oblige ainsi le lecteur à se diriger vers le papier. Beaucoup d’ailleurs ont choisi les abonnements. A L’Express, ils représentent 10%.

Un pied dans le vide

Malgré tout, plusieurs raisons poussent à croire que la presse écrite payante suisse devrait bientôt tomber dans le précipice comme beaucoup d’autres. Déjà, l’émergence d’internet de l’international même si en Suisse on reste prudents. Il y a aussi la télévision qui est omniprésente. Les chaînes envoient beaucoup de reporters sur place pour tourner des images et aiment beaucoup l’information en continu. Par exemple, pendant les Mondiaux de ski aux États-Unis, la RTS avait envoyé un journaliste qui faisait des directs tout au long de la journée pour introduire, commenter puis analyser chacune des courses. Difficile donc sans doute après de trouver un intérêt à acheter du papier pour relire ce qu’on a déjà entendu même lorsque l’on y a été habitué. De plus, grâce à ce qui est l’équivalent de la TNT en France, les Suisses ont accès à beaucoup de chaînes de télévision payantes en France, que beaucoup de Français ne regardent du coup même pas. En Suisse, on lit mais on regarde aussi beaucoup la télévision et au contraire de beaucoup d’autres pays c’est peut être là, et pas Internet, que représente le principal danger pour la presse payante.

Changements d’organisation

Sans doute aussi que la crise a déjà commencé discrètement à s’installer parmi les médias suisses. Certains par exemple sont en communication permanente « grâce » à des processus de fusions-acquisitions. A L’Express, par l’intermédiaire d’un groupe appelé le ROC, les journalistes échangent des pages de sports nationaux et internationaux entre eux avec d’autres journaux (le Quotidien Jurassien par exemple). Une manière officielle de gagner du temps dans le travail et pouvoir fournir du régional de meilleure qualité. C’est surtout une façon de réduire les coûts des journalistes qui se déplacent sur le terrain et donc de gérer des premières difficultés apparentes.

Pour le moment, la Suisse fait figure de bonne élève en matière de presse écrite, mais l’équilibre est malgré tout précaire et le château de cartes pourrait s’effondrer n’importe quand…

Rue89 lance son nouveau MOOC : la vidéo sur le web

Après son MOOC sur les réseaux sociaux et celui sur le datajournalism, Rue89 lance sa nouvelle édition : écrire et produire une vidéo, les nouveaux formats web et mobiles. Un sujet qui, à l’heure du tout numérique, pourrait en intéresser plus d’un.

C’est déjà le troisième cours en ligne que lance Rue89, en partenariat avec Gen et FirstBusiness Mooc. Le premier était consacré aux réseaux sociaux, et le second au datajournalism. On ne peut constater qu’une chose : rue89 est le meilleur partenaire pour être à la page sur le journalisme de demain. Question anticipation, ce journal en ligne n’est pas en reste. Rue89 proposait déjà des formations aux journalistes, en présence. Mais c’est le premier média à avoir édité des MOOC sur le journalisme en français. La première édition n’était pas simplement dédiée à l’usage des réseaux sociaux, mais surtout à la veille d’information sur ces derniers. Celui sur le datajournalism était quasiment incontournable : cette forme d’expression journalistique est très prisée au sein des médias numériques. Les Décodeurs par exemple, lancés par Le Monde, publient régulièrement des infographies et des graphiques mouvants, qui trouvent leur intérêt sur une interface interactive. Avec ces précédentes formations sur les nouveaux médias, il n’y a rien d’étonnante à ce que Rue89 embraye avec un cours sur la vidéo.

En mars 2014 déjà, la rédaction l’annonçait : l’un des MOOC devait être consacré aux nouvelles formes de narration. Les médias en ligne développant leur service vidéo sont de plus en plus nombreux. Le Monde propose par exemple de courtes émissions, sur un vrai plateau, avec un présentateur et un « expert » de la rédaction. A l’étranger, Vice News a même un partenariat avec HBO. Le média en ligne ne se contente plus de publier des articles. Ce sont de véritables documentaires en plusieurs parties qui sont réalisés, parfois dans des situations dangereuses telles qu’une immersion au coeur de l’Etat Islamique ou une découverte de la production de Cocaïne au Pérou. La vidéo d’information sur internet intéresse le lecteur, et Rue89 l’a bien compris.

Quelques précisions pour ceux qui souhaiteraient se lancer dans cet apprentissage. L’animateur sera Raphaël Lizambard, journaliste et reporter d’images pour Rue89, L’Equipe TV et TF1. Tous les jours, une vidéo d’une dizaine de minutes présentant un point du cours est proposée. Deux fois par semaine, les « étudiants » pourront tester leurs connaissances avec un QCM. Le MOOC dure quatre semaines. Ceux qui auront payé pourront assister à la cinquième et à la sixième semaine de cours, qui donneront accès à une certification. Durant cette partie payante, les élèves devront écrire le synopsis d’une courte vidéo pour le web. Pas de panique si vous avez raté l’édition précédente : généralement, les MOOC de Rue89 sont réédités. Ce cours commence le 2 mars, les inscriptions sont accessibles ici.

L’infotainment assassine-t-il le journalisme ?

Tous les jeudis soir, sur la chaîne de télévision Radio Canada, le super-héros de l’information Infoman dépoussière le journalisme. Armé de son micro bleu, Jean-René Dufort dévoile une vision pimentée de l’actualité. L’émission consiste à souligner et dénoncer les incongruités politiques à grand renfort d’humour. La recette fonctionne depuis maintenant 15 ans mais demeure plus que jamais actuelle puisqu’elle a permis à l’émission de remporter le Prix de la meilleure série humoristique à la télévision en 2014.

logo_Infoman

Entre divertissement et information, enquête et observation, il est difficile de qualifier justement une émission telle qu’Infoman. Le vide sémantique qui existait pour qualifier ces émissions qui relèvent à la fois de l’information et du divertissement a été comblé dans les années 1990 en France par la création du terme d’infotainment (ou info-divertissement au Québec). Toutefois, la question de leur valeur journalistique se pose encore aujourd’hui. Comme le soulignait le Conseil de Presse du Québec (CPQ) dans son magazine de juin 2012, « Depuis qu’Infoman, personnifié par l’inégalable Jean-René Dufort, a fait sa première entrevue, la question est de savoir si notre super-héros national de la satire est un journaliste – ou pas. » Certains affirment en effet avec certitude que les programmes d’infotainment n’ont rien à voir avec le journalisme.

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Si le data vous était donné(es)

qui fait mentir les chiffres ?

La presse papier est en difficulté, mais l’information reste au centre des préoccupations de notre société — suffisamment pour qu’un nouveau type de journalisme puisse voir le jour. Parmi les nouveaux leaders de l’information représentatifs de cette mutation, on peut citer le journalisme hacker, qui passe notamment par le développement d’applications dédiées à l’information, mais aussi le journalisme de données.

Pour les journalistes, coopération avec des professionnels de l’informatique et acquisition de nouvelles compétences sont de rigueur pour faire du data journalisme un domaine d’exercice supplémentaire faisant de l’angle data un nouvel angle parmi les autres. Censés disposer des compétences nécessaires pour analyser les données avant de les transmettre, il peut, par leur intermédiaire, révéler de lourdes informations que le lecteur n’est pas forcément prêt à recevoir.

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Loi Macron : retrait de l’amendement polémique sur le « secret des affaires »

Loi Macron.Crédit photo: PETIT TESSON-POOL/SIPA

Le projet de loi Macron, qui devait relancer la croissance économique et le pouvoir d’achat de la France avait été présenté mi-décembre en conseil des ministres avant d’être adopté le 19 janvier par une Commission spéciale mise en place par l’Assemblée nationale. Ce projet avait été dès le début vivement contesté, notamment le volet sur « le secret des affaires » qui menaçait la liberté d’informer. Face à la grogne des médias et au levier de bouclier que cet amendement avait suscité, ce dernier point avait finalement été retiré le 30 janvier dernier.

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